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Dans les années trente, plusieurs sondages réalisés à l'est du district minier de Aachen mènent à la découverte d'un gigantesque gisement de lignite, un charbon brun composé à environ 70% de carbone et principalement utilisé pour le chauffage domestique et pour produire de l'électricité. Le résultat de ces recherches laisse dubitatif les prospecteurs car tout indique alors une couche d'une épaisseur comprise entre 40 et 70 mètres. De nouvelles prospections confirment les premières et, en 1939, une société minière est créée en vue d'exploiter ce riche gisement : la Rheinische Braunkohlentiefbaugesellschaft. Un projet d'exploitation à ciel ouvert est alors rapidement envisagé mais les techniques d'extraction de l'époque mettent un frein à ce projet et c'est finalement une exploitation souterraine qui sera retenue. Les travaux préparatoires seront malheureusement postposés suite à l'entrée en guerre de l'Allemagne et ce n'est qu'en 1948 que le fonçage des deux premiers puits commencent à proximité du village de Morschenich. Après avoir atteint une profondeur de 330 mètres, le siège, nommé Union 103 d'après le nom du sondages réalisé à cet endroit, commence à produire dès 1953. La société avait pour ambition une extraction quotidienne moyenne de 10.000 tonnes de lignite par jour mais après deux ans d'exploitation et plus de onze kilomètres de galeries excavées, cette dernière n'atteint péniblement que les 200 tonnes par jour. Suite à une infiltration d'eau dramatique, la mine est définitivement abandonnée en avril 1955, le siège étant quant à lui totalement détruit en 1969.

Après les premières excavations à ciel ouvert réalisées en 1957 à Inden par la Braunkohlen- und Brikettwerke Roddergrube AG, la Rheinische Braunkohlenwerke AG (anciennement Rheinische Braunkohlentiefbaugesellschaft) lance de nouvelles démarches afin de relancer l'exploitation de la lignite à proximité de Morschenich. Le land donne son accord en 1974 et c'est en 1978 que les premières tonnes de terres sont excavées dans cette exploitation qui prendra le nom de tagebau Hambach.
Le plan d'extension de la carrière implique cependant le déplacement de plusieurs localités et en quelques années, les villages de Berrenrath, Mödrath, Otzenrath et Garzweiler furent rachetés par la société et vidés de leurs habitants qui seront relogés dans de nouveaux quartiers financés par la société minière. Le gisement de lignite estimé à 4.500 millions de tonnes est atteint en janvier 1984 et, avec sa zone d'exploitation de 4.380 hectares, Hambach devient la plus grande mine à ciel ouvert d'Allemagne. Actuellement, cette dernière forme la dépression artificielle la plus profonde du pays, son point le plus profond étant situé à 299 mètres sous le niveau de la mer. En 1995, l'exploitation d'une nouvelle carrière nommée tagebau Garzweiler est accordée par le gouvernement du Land et, après le déplacement de plusieurs localités, les travaux débutent à proximité de Jüchen. En octobre 2003, la Rheinische Braunkohlenwerke AG est absorbée par la Rheinisch-Westfälische Elektrizitätswerk (RWE), propriétaire actuel de la mine d'Inden, et devient une filiale de celle-ci.

Trois mines sont alors exploitées :

- tagebau Inden,
- tagebau Garzweiler,
- tagebau Hambach.

Le lignite de ces trois mines est extrait grâce à d'immenses excavatrices à godets dont la plus vieille du monde, la bagger 255, est en fonction depuis 1975 à Inden. L'excavatrice la plus remarquable, la bagger 293, se trouve quant à elle à Hambach et est inscrite au Livre Guinness des records comme étant le véhicule terrestre le plus long et le plus lourd de la planète. Ses dimensions donnent le tournis :

- poids : 14 tonnes,
- longueur : 226 mètres,
- hauteur : 96 mètres,
- nombres de chenilles : 8
- diamètre du rotor de pale : 21 mètres,
- nombre de godets : 18,
- capacité de chaque godet : 6.600 litres,
- excavation journalière : 240 000 m³
- hauteur de retrait : 51 mètres.

En 2011, environ 1.772 millions de tonnes de lignite étaient encore disponibles rien qu'à Hambach. Le minerai extrait est transporté via un réseau de convoyeurs jusqu'à Bergheim-Auenheim et de là via le chemin de fer Nord-Sud vers les centrales de Niederaussem, les centrales de Neurath et Frimmersdorf à Grevenbroich ainsi à Goldenberg près de Hürth-Knapsack. L'extension vers le sud-est de Hambach provoque en 2013 de nouvelles délocalisations dont la plus tragique est celle du village millénaire de Manheim. Au total, 29 localités ont été détruites ou sont en passe de l'être. En 2014, l'histoire rattrape la RWE après la mise au jour des galeries d'exploitation souterraine de l'Union 103, situées au sixième étage de Hambach. Environ 15 ans seront nécessaire pour le démantèlement de l'ancienne mine dont on estime la composition à 23.000 tonnes de béton, 915 tonnes d'acier et 1.100 tonnes de bois. La fin de l'exploitation des trois carrières est prévue dans une période allant de 2030 pour Inden à 2060 pour Hambach. Le futur des dépressions est quant à lui encore incertain mais il est fort probable que les mines soient noyées grâce à une déviation du Rhin. Avec ses 23 km2 et ses 185 mètres de profondeur, près de quarante ans seront nécessaire pour remplir la cuvette de Garzweiler à raison de 60 millions de mètres cubes d'eau par an. Quant à la mine Hambach, avec sa superficie de 4.200 hectares, ses 400 mètres de profondeur et sa capacité de 3,6 milliards de mètres cubes, elle deviendra le lac le plus profond d'Allemagne et le second en terme de superficie après le lac de Constance. La fin du remplissage de cette gigantesque cicatrice ne devrait pas être finalisé avant l'an 2100.

      Reportage les trois mines à ciel ouvert de Garzweiler : Inden, Hambach et Jüchen.


Copyright (c) / Photos by Nicolas Elias, Xavier Fer & Laura Dambremont