Grâce
aux nombreux récits qui sont parvenus jusqu'à nous, on peut attester
que la présence de charbon dans la région du Haut Guadito était déjà
connue au Moyen-Âge. Tombant peu à peu dans l'oubli, ce gisement ne fut
redécouvert qu'à la fin du 18ème siècle grâce, selon la légende, à un
chien nommé "Terrible" qui, après avoir fouillé la terre, revint près
de son maître la truffe pleine de charbon. C'est donc en 1790 que les
premières tonnes de houille furent exploitées à ciel ouvert pour le
compte de la mine de cinabre d'Almadén. Outre la houille, ces travaux
permettent également de mettre à jour d'importants filons de plomb et
d'argent.
Plongeant dans les entrailles de la terre, ces gisements furent par la
suite exploités par la Fusion
Carbonifera y Metallifera de Belmez y Espiel,
une société fondée en 1858 et dont le premier puits, baptisé par la
régente Marie-Christine de Bourbon, fut nommé "El Terrible". Cette
société fit malheureusement face à son manque de moyens financiers et
fut rapidement obligée de céder ses actifs à la Société charbonnière et
métallurgique de Belmez,
une entreprise à capitaux français qui allait rapidement devenir le
principal extracteur de charbon de la province de Cordoue grâce
notamment à un partenariat signé avec plusieurs fonderies du bassin
minier de Linares dans la province de Jaén. Malgré son succès
grandissant, c'est en 1875 que la société entre réellement dans
l'histoire grâce à l'arrivée de Charles Ledoux, un ingénieur et
polytechnicien né le 27 août 1837 à Paris. Ce dernier arrive en Espagne
suite à la mort de Pierre Jules Callon qui lui confia le rôle
d'ingénieur-conseil des mines de Ronchamp ainsi que celles de Belmez où
il se rend vite compte qu'avec de tels gisements houillers et
plombifères, il serait opportun de transformer ces matières sur place
au lieu de les exporter.
De retour à Paris, Ledoux va convaincre
la fine fleur de la finance française d'investir dans le bassin de
Belmez-Espiel et parvient à récolter grâce à celle-ci plus de 5
millions de francs, une somme monumentale à cette époque.
On retrouve
parmis ces actionnaires plusieurs noms prestigieux :
- les Rothschild,
- les Cahen d'Anvers,
- les Mirabaud,
- les maîtres de forge Wendel,
- la maison de banque Seillière et Demachy.
C'est ainsi que la 19 octobre 1881 vient au monde la Société Minière et
Métallurgique de Peñarroya
(SMMP). Dès l'année suivante, après son entrée en bourse, Charles
Ledoux prendra le contrôle de l'intégralité de la région avant de mener
une vaste campagne de prospection à l'ouest de Belmez. La découverte de
nouveaux gisements dans le désormais nommé "Bassin houiller de
Peñarroya-Belmez-Espiel" et l'augmentation des mines oblige la société
à acquérir 3.000 hectares de forêts composées principalement de pins et
d'eucalyptus afin d'approvisionner ses chantiers en étançons. En outre,
Ledoux investit également dans un important réseau ferroviaire afin de
désenclaver ses installations. Ces nouvelles structures permettent à la
petite localité de Peñarroya de s'agrandir significativement, passant
en quelques années de 2.500 habitants à plus de 10.000. Cette
population grandissante engendra la création de nouveaux quartiers qui
transformèrent considérablement la physionomie de la petite ville qui
fut désormais nommée Peñarroya-Pueblonuevo.
À l'aube du 20ème
siècle, Peñarroya est devenue la principale zone d'extraction minière
du pays. En parallèle à l'extraction, la société investit également
dans la construction d'une grande fonderie avec l'aide de la famille
Figueroa, propriétaire d'une usine de traitement de plomb à L'Estaque
près de Marseille. Entre 1881 et 1914, le capital social de la société
va quintupler pour approcher les 25 millions de francs. Peu avant la
première guerre mondiale, la SMMP met la main sur de nouveaux gisements
miniers situés dans différentes régions espagnoles. On retrouve ainsi
la société dans la province de Badajoz où elle participe à
l'exploitation des mines d'Azuaga et de Fuente del Arco où encore dans
la province de Ciudad-Real où, en 1912, elle reprendra à son compte les
mines de houilles de Puertollano.
Outre le charbon , le plomb
prend de plus en plus de place dans le chiffre d'affaire de la société
grâce notamment à l'urbanisation où il est apprécié pour ses qualités
isolantes et étanches. En 1913, l'Espagne est le second producteur
mondial de plomb et, sur les 198.829 tonnes de minerai exploitées cette
année-là, Peñarroya en fournissait plus de la moitié. À partir de 1914,
le plomb devient un minéral stratégique car il est utilisé pour la
fabrication des munitions. Cet épisode tragique de l'histoire permet à
la SMMP de croître internationalement et d'asseoir sa position
dominante en Espagne où son importance est telle que la
majorité
des terrains de la municipalité de Peñarroya-Pueblonuevo lui
appartient. Cette aubaine permet à l'entreprise de s'étendre dans des
proportions jamais vue dans le pays. En effet outre les opérations
minières, la SMMP possède désormais de nombreuses usines et fonderies
dont voici une liste exhaustive :
- une fonderie de plomb,
- une fonderie de zinc,
- une usine d'acide sulfurique,
- une usine d'oléum,
- une usine de superphosphates,
- une centrale électrique.
Après
la guerre, Peñarroya continue sa politique d'expansion en rachetant la
fonderie de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais ainsi que plusieurs
sites industriels en Italie, en Australie, en Iran, au Maroc ainsi
qu'en Grèce où elle mettra la main sur les mines du Laurion dont les
gisements de cuivre, de plomb et d'argent sont exploités depuis
l'Antiquité. Elle s'implantera ensuite en Amérique du Sud où elle
s'associera en 1951 avec la société minière M'Zaita qu'elle finira par
absorber en 1960 après l'unification de plusieurs mines et fonderies de
cuivre de la région. Cette mondialisation de l'entreprise amène les
divisions espagnoles à adopter une nouvelle dénomination et c'est ainsi
que fut fondée la Sociedad
Minera y Metalúrgica de Peñarroya-España
(SMMP-E). Dans les années 50, cette dernière absorbera les
installations minières de Cartagena-La Unión, réactivant ainsi la
production de plomb dans la région. En 1957, la SMMP-E finança ainsi la
construction du lavoir Roberto dont les agrandissements progressifs
permirent le traitement de plus de 2,6 millions de tonnes de minerai
par an. Hélas, cette installation entra surtout dans les mémoires pour
la pollution considérable qu'il engendra dans la baie de Portmán (plus
d'informations sur le sujet ici).
L'absorption de ce bassin minier permit à la société de multiplier sa
production de plomb par quatre et sa production d'argent par trois. Ce
minerai était traité dans la fonderie carthaginoise de Santa Lucia dont
les installations durent modernisées entre 1966 et 1970, cette dernière
devenant progressivement la plus grande fonderie de plomb d'Espagne et
la seconde d'Europe après Noyelles-Godault. Cartagena-La Unión étant
devenu le premier centre extractif et métallurgique d'Espagne, la
société décida de fermer ses installations de Peñarroya-Pueblonuevo en
1970. Une partie de ces infrastructures fut cependant sauvée par l'État
qui, face au déclin de l'industrie de Peñarroya-Pueblonuevo, décida
d'intervenir et de réactiver le bassin houiller de la province de
Cordoue dont les puits étaient en phase de sommeil. À cet effet, deux
sociétés d'État furent créées :
- Empresa Nacional
Carbonífera del Sur S.A. (ENCASUR)
Société chargée de l'exploitation du charbon.
- Empresa Nacional
Eléctrica de Córdoba (ENECO)
Société chargée de la construction et de l'exploitation de la centrale
thermique de Puente Nuevo.
Toujours
en 1970, Peñarroya fusionne avec la Compagnie française de Mokta qui à
cette époque détenait notamment des parts dans la Compagnie des mines
d'uranium de Franceville et avec la Société Le Nickel pour donner
naissance à la Société
Imétal
dont les bureaux occupent sept étages de la tour Montparnasse à Paris.
Du côté de la SMMP-E plusieurs revers financiers conduisent
l'entreprise historique à liquider progressivement une bonne partie de
ses divisions espagnoles dont celles du bassin Carthaginois qui furent
revendues à un promoteur immobilier, Portmán Golf, qui finira par
fermer les mines en 1991. En parallèle, la crise financière fait
drastiquement chuter le prix des métaux, ce qui déséquilibre le groupe
industriel qui perd ses divisions nickel et uranium. Les difficultés
finissent par pousser le groupe à se rapprocher de l'immense société
allemande Preussag pour former le Groupe Metaleurop.
En 2007, ce dernier deviendra Recylex.
Implanté en France et en Allemagne, ce nouveau groupe se spécialise
rapidement dans le recyclage du plomb, du zinc, du polypropylène et de
la production de métaux spéciaux de haute pureté. Grâce à son
savoir-faire historique, Recyclex réalise aujourd'hui un chiffre
d'affaire d'environ 17 millions d'euros par an.
Revenons à Peñarroya-Pueblonuevo.
En 1980, cinq mines sont toujours actives dans le bassin houiller de
Peñarroya-Pueblonuevo.
- siège Maria 1/2,
- siège Belmez,
- siège Antolin,
- mine à ciel ouvert Cervantes,
- mine à ciel ouvert San Antonio.
Dans
les années 1990, la production du bassin houiller était toujours d'un
million et demi de tonnes par an mais à l'aube de l'an 2000, le cumul
des extractions commence à décliner jusqu'à son extinction totale. La
dernière berline de charbon de la province de Cordoue fut remontée en
2005 au puits Maria N°1.
La centrale électrique de Puente Nuevo
continua à être exploitée grâce à une liaison ferroviaire avec
Puertollano jusqu'à sa déconnexion en 2020.
Reportage sur le
complexe sidérurgique de la société ainsi que sur son école des mines.
Reportage sur les différents chevalements de la région de Peñarroya.
Copyright (c) / Photos by Nicolas
Elias, Xavier Fer & Laura Dambremont