banner
Espagne - Province d'Almeria

Or  Fer  Argent

Rodalquilar


Compañía Minas de Rodalquilar S.A.



À l'aube du 16ème siècle, la région de Rodalquilar est encore largement dépeuplée et ne se compose que d'un vaste désert dans lequel aucune industrie ou plantation ne parvient à s'établir durablement. Cependant, en 1508, un habitant de la ville voisine de Níjar découvre dans la région un affleurement très important d'alun, un composé chimique rare principalement utilisé pour fixer les teintures sur les tissus. Les perspectives économiques étant énormes, il ne fallut que quelques mois pour peupler la vallée et construire des sièges d'exploitations rentables. Cette urbanisation soudaine souffrit malheureusement très vite d'un problème inattendu : les pirates. En effet, depuis l'expulsion des derniers musulmans de la péninsule ibérique, en 1492, certaines familles nobles basées en Afrique du Nord utilisèrent leur fortune pour financer des raids violents sur les côtes espagnoles, ces derniers étant principalement orchestrés afin d'enlever des femmes et des enfants pour alimenter les harems de Barbarie. L'acte de piraterie le plus remarquable est probablement le raid mené par le corsaire turc Barbarossa qui accosta sur la côte de Cabo del Gata avec près de 200 navires, faisant de cette zone une enclave destinée à la réparation des navires, à la débauche et à la vente d'esclaves. Face à une telle situation, les ouvriers devinrent méfiants et, pour éviter un nouveau dépeuplement de la région, les investisseurs entamèrent dès 1510 la construction d'une grande tour fortifiée destinée à anticiper les futures attaques. D'une valeur de 7.000 ducats, cet édifice est le premier édifice chrétien construit depuis la reconquête de la région d'Almeria. Hélas, cette stratégie de défense échoua et en 1520, une troupe de 500 pirates algériens mit à sac la ville avant de kidnapper 60 personnes, la majorité des habitants trop jeunes ou trop âgés étant impitoyablement tuée. Cet évènement causa la fin momentanée de l'exploitation de l'alun dans la vallée de Rodalquilar jusqu'en 1573, année où la tour de guet fut remise en service. Cependant, la découverte de nouveaux gisement européens mit fin à cette exploitation qui fut définitivement abandonnée peu avant le 17ème siècle.

Durant plusieurs décennies, la région retomba dans une phase de désertification jusqu'au début du 19ème siècle où l'industrialisation de la province mena quelques prospecteurs à découvrir des filons plombo-argentifères dans la région des anciennes mines d'alun. Cependant, l'appauvrissement rapide de cette ressource entraîna de nouvelles recherches et c'est en 1864 que les premières traces d'or furent découvertes dans des veines de quartz. Loin d'être rentable, ces traces aurifères déclenchèrent malgré tout une véritable ruée vers l'or qui mena, en 1883, à la découverte des premiers filons exploitables dans l'exploitation Las Niñas, située à un kilomètre du centre de Rodalquilar.
En décembre 1897, l'industriel José Manzano donne naissance à la Sociedad de las minas "Demasía de las Niñas" y "Potosí", une structure composée de 100 actions nominatives dont 70% appartiennent à la famille Manzano. Au fil des ans, la découverte de nouveaux filons entraîna la construction de nouveaux sièges d'extraction, faisant de Rodalquilar l'un des deux principaux centre d'extraction aurifère d'Espagne avec Las Médulas, une zone minière exploitée depuis l'antiquité dans la province de León. Malheureusement, les techniques de séparation des minéraux et des métaux étant inexistantes en Espagne, l'intégralité de la production doit être exportée par bateau vers plusieurs fonderies d'Europe dont celles d'Anvers qui traiteront l'or de Rodalquilar jusqu'à la première guerre mondiale. À l'issue de cette dernière, d'importants investissements réalisés dans la région par la Sociedad Minas Auríferas de Rodalquilar S.A. permirent de moderniser les exploitations et de créer les premières installations métallurgiques de la ville. Trois mines sont alors fonctionnelles :

- le siège El Madroñal,
- le siège Rambla las Yeguas,
- le siège Rodalquilar.

Entre 1929 et 1930, une seconde installations sidérurgique fut construite pour la Sociedad Minas de Abellán par la société allemande Fried. Krupp Grusonwerk AG. Bien que les sondages réalisés autour de cette nouvelle usine furent infructueux, cette dernière fut mis à contribution par la Sociedad Minas Auríferas de Rodalquilar S.A. qui fusionna en 1928 avec la Sociedad Minas de Abellán pour former la Compañía Minas de Rodalquilar S.A., une nouvelle société présidée par Fernando María de Ybarra, le marquis de Arriluce de Ybarra et contrôlée par des capitaux britanniques. En 1931 fut construite l'usine de traitement Dorr qui utilisait des agitateurs, des cuves de lavage ainsi que le procédé de cyanuration pour la cémentation de ses métaux. L'entreprise est un succès mais, en 1936, l'exploitation connaît un déclin soudain suite à la saisie des installations par des syndicalistes lors de la guerre civile espagnole. À la fin du conflit, en 1940, toutes les mines de la région sont nationalisées et l'extraction reprend peu à peu. Dans les années cinquante, la société nord-américaine Adaro décide d'investir massivement dans la construction de l'usine de traitement Denver qui était à l'époque le plus grand complexe de cyanuration du continent. Cette monumentale installation, inaugurée en 1956 par Francisco Franco, permit de produire près de 280 kg d'or 24 carats par an jusqu'en 1966, année où l'Instituto Nacional de Industria fit fermer l'ensemble des sièges et des installations de traitement, la raison principale étant le manque de rentabilité. En effet, la teneur moyenne des filons d'or de Rodalquilar n'est que de 5 grammes par tonne de stérile, un taux 2 grammes inférieur au seuil de rentabilité établit par l'institut.
En 1989, la Sociedad St. Joe Transaction Inc. y Cia. et la Sociedad Regular Colectiva tentèrent d'exploiter une mine à ciel ouvert nommée Cerro del Cinto mais, malgré un accord de concession valable pour une durée de quatre ans, cette entreprise s'interrompit après à peine un an d'exploitation. Aujourd'hui, malgré la hausse des prix et une réserve aurifère estimée à près de trois tonnes, l'ancienne zone d'exploitation est classée en tant que parc régional naturel, empêchant tout projet minier futur dans la zone. Cependant, Rodalquilar connaît un nouvel essor dans le domaine cinématographique, ses paysages et ruines industrielles étant dorénavant immortalisés dans des films hollywoodiens comme "Les guerriers du soleil", "Indiana Jones et la dernière croisade" ou encore plus récemment "Exodus: Gods and Kings".

      Reportage sur les monumentales installations de l'usine de traitement des mines de Rodalquilar.

Copyright (c) / Photos by Nicolas Elias, Xavier Fer & Laura Dambremont