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France - Bassin de Ronchamp

 Charbon

Ronchamp


Les houillères de Ronchamp



C'est au milieu du 18ème siècle que les premiers gisements de houille sont découverts à Ronchamp. Les veines découvertes sont alors affleurantes et l'activité extractive est relativement discrète, l'activité majoritaire de la population locale étant liée à l'agriculture. En 1744, deux galeries de recherches sont creusées à flanc de coteaux. Ces travaux n'ont rien d'officiel mais une couche de charbon est atteinte trois ans plus tard par le sieur de Gensanne, propriétaire des exploitations de Plancher-les-Mines. En 1749, un morceau de charbon est envoyé au laboratoire de Besançon et devant les qualités évidentes du gisement, plusieurs demandes de concessions sont introduites par le sieur de Gensanne et par François Guy, propriétaire des forges de Magny-Vernois. Cependant, aucun des deux n'obtiendra d'autorisation d'exploitation.

Deux concessions sont finalement accordées en 1757 :

- la concession des seigneurs de Ronchamp à Ronchamp,
- la concession des princes-abbés de Lure à Champagney.

Ces concessions sont réunifiées en 1763 et sont alors exploitées à frais communs par les deux concessionnaires.
Entre 1760 et 1810, quelques dizaines de galeries et petits puits sont creusés à une profondeur ne dépassant pas les dix mètres. La productionqui en résulte est extrêmement mineure, n'atteignant qu'une moyenne de 3.000 tonnes de charbon par an. Le travail est également pénible, la puissance des veines restant très faible à cette profondeur. Lors de la révolution, les mines de Ronchamp deviennent des biens d'État et sont par la suite exploitées par des institutions étatiques avant d'être gérées par diverses sociétés privées. À la fin du 18ème siècle débute la construction des logements pour les ouvriers ainsi que des bâtiments de triage, une fabrique d'alun ainsi qu'une petite verrerie, la population locale augmentant de plus en plus au fil des ans. En 1810, la première entreprise de taille est réalisée à Ronchamp avec le fonçage du puits St Louis qui sera le premier d'une série de 27 puits. Deux ans plus tard, l'ensemble des installations est rachetée par la société Dollfus-Mieg et Cie, société qui était alors la principale cliente des houillères de Ronchamp.

Entre 1815 et 1832, huit puits sont fonçés :

- Le puits Henri IV - 61 mètres,
- Le puits Samson - 19 mètres,
- Le puits N°1 - 164 mètres,
- Le puits N°2 - 156 mètres,
- Le puits N°3 - 38 mètres,
- Le puits N°4 - 45 mètres,
- Le puits N°5 - 74 mètres,
- Le puits N°6 - 66 mètres.

Durant l'année 1833, les champs d'exploitation du puits St Louis sont totalement taris et la société se tourne alors vers une nouvelle zone d'exploitation où sera foncé le puits N°7. Malheureusement, le tarissement du gisement met à mal la société qui est déclarée en faillite un an plus tard, laissant le puits N°7 inachevé. En 1843, la concession de Ronchamp est reprise pour 52.000 francs français par Charles Demandre, propriétaire des Forges de St Loup / Aillevillers et par Joseph Bezanson, propriétaire des Filatures de Breuches. La société d'exploitation, renommée Demandre-Bezanson et Cie, reprend le fonçage du puits 7 jusqu'à une profondeur de 205 mètres et y installe une machine d'extraction à vapeur afin de favoriser l'exploitation. En 1843, une grande partie des puits sont abandonnés. Seuls subsistent le puits Henri IV ainsi que les N°3, N°6 et N°7. En 1845 est foncé le puits St Charles qui atteint une profondeur de 315 mètres. Ce puits devient rapidement le principal puits de production de la concession, mettant fin à l'extraction des puits Henri IV, N°3 et N°6, le puits N°7 étant quant à lui abandonné en 1849.
Dès 1855, les houillères de Ronchamps entrent en concurrence avec les Houillères d'Éboulet qui produisent du minerais par un unique puits d'extraction : le puits Notre Dame. La même année, à Ronchamp, est foncé le puits St Joseph qui atteint une profondeur de 453 mètres avant de devenir le puits principal de la société, le puits St Charles étant désormais destiné à l'aérage. L'essor atteint par ce nouveau puits motive Charles Demandre et Joseph Bezanson de créer, avec l'aide de métallurgistes haut-saônois et d'industriels alsaciens, la Société Civile des Houillères de Ronchamp. Le capital de base de cinq millions de francs français permet de foncer quatre nouveaux puits :

- Le puits Ste Barbe - 324 mètres,
- Le puits Ste Pauline - 546 mètres,
- Le puits St Jean - 51 mètres,
- Le puits de l'Espérance - 103 mètres.

Le fonçage du puits St Jean est malheureusement un échec et sa machinerie est transférée au puits de l'Espérance qui sera lui aussi un échec. Limité par la présence de la concession d'Éboulet au sud, les Houillères de Ronchamp entreprennent le fonçage de deux nouveaux puits supplémentaires aux extrémités du bassin, le puits Ste Marie et le puits St Georges.
En 1857, une grève éclate à la suite de deux violents coups de grisou mais les ouvriers sont déboutés, la société décidant de renvoyer les éléments perturbateurs. Cinq ans plus tard, une crise cotonnière en Alsace affecte la production et provoque une période de chômage économique. Ces périodes de troubles seront cependant balayées en 1865 avec la creusement du puits Arthur de Buyer, le puits le plus important de la société qui amena les houillères de Ronchamp dans une période de prospérité économique qui dura jusqu'au début du 20ème siècle.
En 1866, les sociétés de Ronchamp et d'Éboulet fusionnent pour des raisons économiques et pragmatiques, cette fusion facilitant l'aérage des chantiers sans la limite de concession. Suite à cette unification, le puits Notre-Dame est modernisé et des fours à coke verticaux sont construits au siège St Joseph. Après 1870, la Société des Houillères de Ronchamp doit faire face à l'épuisement de ses anciens puits et au vieillissement de ses installations. Deux scientifiques sont alors consultés pour évaluer les ressources restantes du bassin minier. En 1883, l'ingénieur général des mines vient mener une étude et des sondages aux alentours du gisement exploité et deux ans plus tard, le géographe Pierre Termier viendra à son tour étudier le bassin. Ils constatèrent tous deux d'importantes failles et des soulèvements vers le sud et le nord ainsi que des couches de charbon à l'est et à l'ouest qui sont malheureusement inexploitables car trop fines et trop dispersées. Cependant, ils recommandent aux exploitants d'effectuer des recherches plus lointaines. À l'est, des petites veines inexploitables sont découvertes sous les villages d'Étueffont et de Roppe, situés sur le territoire de Belfort. À l'ouest les nouvelles recherches sont concluantes et des couches puissantes sont découvertes à Lure et à St Germain. Cependant, ces couches sont situées très en profondeur et sont conservées comme réserves. Finalement jugées non rentables, elles ne furent jamais exploitées.

En 1873, deux nouveaux puits sont foncés, tous deux au sud-ouest du bassin.

- Le puits du Magny - 694 mètres,
- Le puits du Chanois - 588 mètres.

Ce dernier ne sera achevé qu'en 1895 en raison d'importantes venues d'eau, il accueillera ensuite les nouvelles installations de lavage et de criblage ainsi que la cokerie après la fermeture du puits St Joseph. Le puits Ste Pauline fermera ses portes en 1884 tandis que le puits Tonnet, ouvert cette même année, fermera ses portes en 1888. Le puits N°10, ouvert en 1889 sert quant à lui à l'aérage du puits St Charles en attendant d'être approfondi pour servir de puits d'extraction. Il ferma cependant en 1896, en même temps que les puits St Charles, St Joseph et Notre-Dame.
En 1892, le puits Arthur de Buyer est modernisé et atteint une profondeur de 1.010 mètres, devenant ainsi le puits le plus profond de France. En 1901, il ne reste que trois puits en activité pour un total de 1.437 ouvriers dont 373 mineurs. Durant la première guerre mondiale, le puits du Magny cesse provisoirement l'extraction pour devenir un des puits de service du siège Arthur de Buyer. La première guerre mondiale affaibli durablement la société mais de nouveaux investissements sont réalisés dans les années 20, principalement dans la centrale électrique qui se voit dotée de nouvelles chaudières et de turbo-alternateurs. Les puits du Magny et Arthur de Buyer seront modernisés entre 1927 et 1928, le chevalement d'Arthur de Buyer étant dédoublé symétriquement pour s'aligner sur la nouvelle machine d'extraction, une Alsthom comportant un tambour bicylindroconique alimenté par un moteur de 1.960 chevaux. La ventilation de ce siège est alors assurée par le puits Ste Marie qui se voit équipé d'un chevalement en béton armé ainsi que de deux ventilateurs électriques, devenant ainsi le siège de concentration de l'aérage des Houillères de Ronchamp. Cependant, le noyage des anciens puits menace les chantiers d'exploitations et la société se voit obligée de rouvrir le puits Notre-Dame d'Éboulet, devenu dorénavant un puits d'exhaure. Le dénoyage des chantiers prendra deux ans mais il permettra de relier le puits Notre-Dame au puits du Chanois.

Le déclin des houillères de Ronchamp se fait malheureusement sentir depuis un bon moment. Trois grandes causes en sont responsables : L'extraction à grande profondeur entraine de nombreux problèmes d'aérage, le fond d'Arthur de Buyer pouvant par exemple atteindre 47 degrés. Ensuite, l'absence de moyens de transports liés à l'exportation du charbon. La compagnie avait à ses débuts, misé sur le canal de la haute-Saône mais il ne fut jamais achevé. La qualité du charbon était également assez médiocre, les clients préférant importer du bassin du Nord-Pas-de-Calais, de Lorraine ou de la Loire, tous reliés à l'Alsace par voies ferrées et canaux.
La crise des années 30 frappe durement le bassin de Ronchamp, la concurrence est rude et l'arrivée du pétrole contribue fortement au déclin de la société. Le charbon s'accumule sur les carreaux et la cokerie du Chanois est obligée de fermer ses portes. Durant la seconde guerre mondiale, les allemands veulent augmenter la production qui reste malgré tout dérisoire, n'atteignant que 25.000 tonnes par an. Lors de la libération, en 1944, la majorité des installations de surface sont détruites et les mines sont noyées. La nationalisation des houillères française en 1946 met la société des houillères de Ronchamp entre les mains d'EDF, ce choix étant motivé par la présence sur place d'une importante centrale électrique. Le bassin houiller étant alors jugé comme anecdotique en comparaison avec les autres grands bassins nationaux. L'appauvrissement du gisement et sa faible rentabilité conduisent EDF à rechercher à nouveaux des gisements affleurants.
La société décide de reconstruire et d'assécher les installations d'Arthur de Buyer, du Chanois et du Magny avant de foncer le puits de l'Étançon, d'une profondeur de 44 mètres, ainsi que plusieurs galeries à flanc de coteaux :

- La galerie 780,
- Le fonçage Robert,
- Le fonçage de l'est,
- Le plan Grisey N°3,
- La galerie Datout,
- La galerie Fourchit.

Ce retour à l'artisanat entraîne une production de 20.000 tonnes de charbon par an, un résultat faible qui motive EDF à abandonner progressivement l'exploitation du charbon à Ronchamp. Contre cette fermeture annoncée, les mineurs du bassin constituèrent un comité de défense pour prolonger la durée de vie des mines. Plusieurs pistes furent explorées mais EDF décida malgré tout de fermer le siège du Chanois en 1951, le siège Arthur de Buyer en 1954 et le puits de l'Étançon en 1958. C'est finalement le 3 mai 1958 que la dernière berline remonta à la surface au puits du Magny qui ferme à son tour ses portes. La cessation de la concession est, quant à elle, accordée le 31 janvier 1961.

Après la fermeture des houillères, le patrimoine immobilier est vendu tandis que les installations minières sont majoritairement détruites. Quant aux mineurs, ils sont pour la plupart transférés dans les mines de potasse d'Alsace ou engagés chez EDF. Il ne reste aujourd'hui que le chevalement en béton du puits Marie, le bâtiment administratif, le château du directeur ainsi que quelques très beaux vestiges au siège Arthur de Buyer, les écuries et quelques galeries à flanc de coteaux, mises en valeur par une association locale.

      Reportage sur quelques vestiges et puits du bassin minier de Ronchamp.
Copyright (c) / Photos by Nicolas Elias, Xavier Fer & Laura Dambremont