C'est
à l'aube du 20ème siècle qu'Amélie Zürcher, une riche propriétaire
terrienne, décide de s'associer avec Joseph Vogt, un industriel
spécialisé dans les sondages en couches géologiques profondes, et
Jean-Baptiste Grisez, un brasseur de formation mais également
prospecteur et sourcier. Amélie Zürcher avait en effet rêvé que quelque
chose se cachait sous ses pieds et c'est en 1903 qu'ils créent la
Société en participation pour la recherche de la houille en Alsace, le
but primordial étant de trouver le prolongement du bassin houiller de
Ronchamp, situé à une trentaine de kilomètres de là. Dans l'aventure,
Vogt et Grisez avait également bon espoir de découvrir un gisement de
pétrole, des traces de celui-ci ayant été découvertes dans de
nombreuses sources de la région.
En 1904, le premier puits de sondage
est foncé à Wittelsheim mais celui-ci ne tombe ni sur du pétrole ni sur
du charbon mais sur
deux importantes couches de sel qu'ils ne
parviennent pas à identifier. Une analyse plus poussée
démontre
qu'il s'agit d'un mélange de chlorure de potassium et de
chlorure de sodium, autrement dit de la sylvinite, un minerais
potassique très recherché en Allemagne dont le mélange était fabriqué
artificiellement depuis 1860 pour ses propriétés fertilisantes.
Pour
sonder les limites du gisement, la société de recherche part à la
recherche de capitaux mais les banques françaises refusent d'injecter
de l'argent dans une société située en territoire étranger, l'Alsace
étant Allemande à cette époque. Zürcher, Vogt et Grisez sont alors
contraints de faire appel à des capitaux allemands qui ne sont accordés
qu'au prix du contrôle de l'état allemand sur les futures sociétés
d'exploitation.
Le premier puits est foncé en 1908 par la
Gewerkschaft Amélie,
une petite société dirigée par Vogt. Nommé Amélie
1, le siège entre en exploitation en 1910 avant d'être cédé la même
année à la Deutsche kaliwerke. Vogt fait alors l'acquisition de
plusieurs petits concessions au nord du bassin et fonde la société Kali
Sainte-Thérèse accompagné par des investisseurs lorrains
et des
capitaux français. Joseph Vogt nomme son fils, Fernand, au poste de
directeur de la société avant de débuter le fonçage des puits Rodolphe
1, Alex ainsi que les deux puits d'Ensisheim entre 1911 et 1912.
Lors
du premier conflit mondial, Kali Sainte-Thérèse est confisquée et
Fernand Vogt est déporté en Allemagne. L'ensemble du bassin potassique
est dès lors placé sous autorité allemande, le minerais extrait
participant à l'effort de guerre. Le 31 décembre 1915, l'aviation
française largue une bombe sur un dépôt de munition situé sur le siège
Rodolphe, détruisant la majorité des installations de surface dont le
chevalement qui fini par s'effondrer. Après l'armistice, la société
Kali Sainte-Thérèse reprend du service sous la direction de Fernand
Vogt qui entreprend la rénovation du siège Rodolphe. Les autres
concession du bassin sont alors mises momentanément sous séquestre.
En 1920, le siège Ensisheim commence l'extraction, il produira cette
année-là, plus de 155.000 tonnes de potasse.
La
même année est créée la Société Commerciales de la Potasse d'Alsace,
une société qui a pour but d'organiser la vente et la négoce du
minerais à l'étranger.
Les quote-part sont divisées comme suit :
- Les mines sous séquestre : 76.5%,
- La Kali Sainte-Thérèse : 23.5%.
Joseph
Vogt décède en 1921 et sera remplacé par Louis Mercier au poste de
président du conseil d'administration. Fernand Vogt sera, quant à lui,
écarté de la direction en 1923 mais restera administrateur jusqu'à sa
mort en 1938. En 1924, l'état français décide d'acheter les treize
puits mis sous séquestre, elles prendront le nom de Mines Domaniales de
Potasse d'Alsace en 1935. Entre 1925 et 1932 sont foncés les puits
Rodolphe 2 ainsi que les trois puits d'Ungersheim. Une nouvelle usine
de traitement située sur le siège d'Ensisheim portera la production
d'avant guerre à 445.000 tonnes de minerais par an.
En 1940,
l'Alsace est annexée au Troisième Reich et les mines du bassin
potassique sont regroupées par la Preussag AG sous l'entité d'Elsässiche Kaliwerke GmbH.
C'est
durant cette période, le 23 juillet 1940, qu'un coup de grisou éclate à
Rodolphe à 741mètres de profondeur. Il tuera 23 personnes et en
blessera 15 autres, devenant ainsi l'accident minier le plus important
du bassin potassique d'Alsace. À la libération, les mines sont
récupérées par l'état français et la Kali Sainte-Thérèse est absorbée
par les Mines
Domaniales de Potasse d'Alsace.
En 1954, le siège Alex ferme ses portes et le bassin est sectionné en
sept divisions :
- La division Marie-Louise Ouest,
- La division Bollwiller,
- La division Amélie,
- La division Ensisheim,
- La division Joseph-Else,
- La division Fernand-Anna,
- La division Theodore.
C'est
sous la division de Bollwiller que le siège Rodolphe poursuit ses
activités. Une modernisation du siège sera entreprise en 1960 avec la
construction de hangars, de magasins, d'ateliers mais aussi d'une
nouvelle lampisterie et de nouveaux bureaux. Le siège emploie alors
1.100 personnes dont 707 mineurs de fond mais en 1976, la division
cesse ses activités, mettant ainsi fin à l'exploitation du siège
Rodolphe après plus de 40 millions de tonnes extraites. Les employés
sont alors transférés vers d'autres mines de la région et les puits de
Rodolphe sont remblayés.
Des démolitions sont entreprises dans
les années 80 mais en 1987, les vestiges du siège sont sauvées par
l'Ecomusée d'Alsace. Le carreau est depuis géré par le groupe Rodolphe
qui organise régulièrement des visites du site.