C'est
durant l'Antiquité que les gisements argentifères de la Sierra
Almagrera furent exploités pour la première fois. Ce sont les
Phéniciens qui bénéficièrent du commerce de ce minerai dont
les affleurements étaient légion dans cette région côtière. La richesse
de ces filons profita bientôt à toute la région et tout
particulièrement à Baria (actuellement Villaricos), une ville
essentiellement construite grâce à l'exploitation minière et qui devint
rapidement l'une des plaques tournantes de l'industrie extractive
d'Espagne. Par la suite, ce sont les Carthaginois qui perpétuèrent ce
commerce avant de se faire supplanter par les Romains, environ deux
siècles avant notre ère. C'est à ces derniers que l'on doit les
premières galeries souterraines dont on peut encore voir un exemple aux
pieds des montagnes sur le plateau d'El Arteal. Au fil des siècles, les
nombreux conflits armés ainsi que l'alternance de pouvoir des
différentes cultures mirent à mal l'industrie minière et c'est après la
reconquête chrétienne par les rois Catholiques, à la fin du 15ème
siècle, que l'exploitation de l'argent tombe dans l'oubli.
En
1838, deux paysans nommé Andrés et Pedro Bravo López décident de se
lancer dans la poterie en complément de leur travail aux champs. En
ramassant de la terre dans le ravin de Jaroso, ils tombent rapidement
sur une terre noire constellée de particules brillantes qu'ils décident
d'utiliser pour émailler leurs faiences. Ces étranges finitions
permirent aux deux fermiers de rencontrer un homme illustre du nom de
Don Julián López Salcedo qui, grâce aux informations données par ces
derniers, redécouvrit les filons argentifères oubliés. Différentes
recherches menées en 1839 aboutirent à la création de la première
société minière de la région : Carmen y Consortes.
L'enthousiasme lié à cette découverte retomba hélas
rapidement car le
galène qui contient l'argent n'est disponible qu'en faible quantité et
tout développement industriel semble dès lors compromis.La vente des
premières tonnes de minerai auprès d'une fonderie locale permit
cependant de réaliser de nouveaux sondages dans le ravin de Jaroso et
c'est au milieu du 19ème siècle qu'une veine minérale de 12 mètres de
puissance fut découverte au sein de ce dernier. Cette monumentale
structure composée de galène argentifère et de plomb causa rapidement
une véritable fièvre comparable à la ruée vers l'or de l'Ouest
américain. En effet, durant les quatre années qui suivirent, près de
18.000 demandes de concessions furent introduites dans la Sierra
Almagrera pour seulement 1.740 zones d'exploitation disponibles.
Plusieurs mines importantes se développent rapidement le long du ravin :
- mina Ánimas,
- mina Santa Isabel,
- mina Purísima Concepción,
- mina la Gloria,
- mina Encantada,
- mina la República,
- mina Corona de la Fortuna,
- mina Virgen del Carmen.
Parallèlement à cette expansion minière, la côte ibérique se dote
rapidement d'une vingtaine de fonderies destinées à réceptionner le
minerai de la Sierra Almagrera via une série de tunnels et de
téléphériques parcourant les montagnes. Cette épopée permit à la
majorité des industriels de devenir riches du jour au lendemain,
favorisant ainsi le développement de nouveaux sièges ainsi que
l'approfondissement de ceux-ci. Cependant, ces nouveaux travaux
finirent par atteindre une importante nappe phréatique rougeâtre qui
noya rapidement les chantiers situés à plus de 150 mètres de
profondeur. Cet afflux d'eau ne pouvant être endigué, les exploitants
n'eurent d'autre choix que d'investir environ 15% de leur chiffre
d'affaire dans la construction d'un drain destiné à recueillir toutes
les eaux du ravin de Jaroso. En 1900 est créée la Société Minière d'Almagrera,
une structure française dont le siège social est situé à Paris et qui a
pour mission l’exploitation des mines de fer, de plomb, d'argent et de
tout autre minerai existant situés dans la région de la Sierra
Almagrera. C'est ainsi que cette société absorba et unifia les
différents sièges situés dans les montagnes avant de fusionner avec la
Sociedad Anónima Minas de Herrerías, une société située dans la plaine
et qui possède plusieurs sites d'extraction dont le siège Alianza. Une
nouvelle installation destinée à l'assèchement des chantiers
voit également le jour : le siège Encarnación. Ce dernier est composé
d'un puits d'aérage ainsi que d'un puits d'exhaure relié à toutes les
mines encore exploitées de la région grâce à des canaux et au fond
duquel se trouve de puissantes pompes alimentées à ses débuts par des
machines à vapeur puis par des alternateurs électriques.
Les
différentes conflits du 20ème siècle mirent à mal la société qui est
finalement mise à l'arrêt durant la seconde guerre mondiale mais, une
fois fois la paix revenue, l'Institut National de l'Industrie (INI)
relance la production via une nouvelle société nommée Minas de Almagrera S.A.,
une société plus connue sous le nom de "MASA". C'est à cette dernière
que l'on doit la cité minière d'Arteal ainsi que le tunnel Santa
Bárbara, une galerie de liaison de 4.123 mètres destinée à centraliser
la production des différentes mines situées dans les hauteurs. 907
personnes travaillent alors pour cette société dont seulement huit
mines sont encore actives :
- 401 mineurs de fond,
- 422 ouvriers de surface,
- 47 employés administratifs,
- 37 techniciens subalternes.
Depuis quelques années, l'exploitation du minerai est malheureusement
sur le déclin et la majorité des filons restants sont en phase
d'épuisement. À partir de 1950, les installations commencent à fermer
une à une jusqu'en 1958, année de fermeture de la société. Par la
suite, une usine de traitement par flottation fut inaugurée sur le
plateau d'El Arteal afin d'exploiter les tonnes de stériles encore
fortement minéralisés qui s'entassent dans la Sierra Almagrera. Cette
gigantesque installation fut exploitée par différentes sociétés privées
jusqu'en 1991, année d'abandon définitif de l'exploitation minière dans
la région. Aujourd'hui, des centaines de vestiges et de puits non
sécurisés sont encore visibles dans les montagnes et sur le plateau.
Quelques chevalements ont survécus jusqu'à nos jours comme par exemple
celui en bois de la mine Encantada qui fut rénové il y a quelques
années et qui possède la plus vieille machine d'extraction encore
visible du pays, un régal pour tout amateur de patrimoine industriel.
Reportage sur les
sièges Alianza et Puerto Rico, deux mines situées à Herrerias.
Reportage sur les
installations minières du plateau d'El Arteal, aux pieds de la Sierra
Almagrera.
Reportage sur une
partie des mines de la Sierra Almagrera, une montagne dotée d'une
densité industrielle phénoménale.
Reportage sur les
fonderies côtières de la Sierra Almagrera.
Copyright (c) / Photos by Nicolas
Elias, Xavier Fer & Laura Dambremont