L'exploitation
minière à São Domingos remonte probablement à l'âge du bronze mais
c'est avec les Phéniciens, les Carthaginois et surtout avec les Romains
que la mine prend son essor. En effet, on retrouve sur place énormément
d'artefacts provenant de la période romaine. On estime que la mine fut
utilisée de manière intensive entre le début du Ier siècle et le milieu
du IVe siècle, ce qui correspondrait à une extraction moyenne de
650.000 tonnes de minerai de cuivre avec les techniques de l'époque. Ce
dernier était alors probablement acheminé par voie terrestre jusqu'à
Mértola avant d'être chargé sur des bateaux à destination de la côte
atlantique. Également exploitée durant la période islamique, la mine
tombe peu à peu dans l'oubli avant de susciter un regain d'intérêt au
milieu du 19ème siècle, en pleine révolution industrielle.
C'est
donc en 1854 que les riches gisements de cuivre et de pyrite furent
redécouverts par Nicolau Biava qui enregistra la mine en 1857 sous le
nom "São Domingos", du
nom d'une petite chapelle située dans les montagnes environnantes. La
concession fut accordée l'année suivante mais ne fut active qu'à partir
de 1859, après son transfert à la société espagnole La Sabina,
société anonyme constituée à Huelva et basée à Paris. Cependant, cette
société ne montra que peu d'intérêt pour l'exploitation en profondeur
et ne réalisa que quelques travaux de prospection. La mine fut
rapidement cédée à la société londonienne Mason & Barry, Ltd.
représentée au Portugal par James Mason qui sera plus tard récompensé
du titre de vicomte de São Domingos. Les premières extractions
s'accompagnent de la création d'un quai de chargement sur le port
fluvial de Pomarão, situé à 17kilomètres de la mine. L'exportation vers
ce port se faisait via voie ferrée, grâce à des wagons tractés par des
animaux. Il s'agit alors de l'une des toutes premières voie ferrée du
territoire. L'exploitation à ciel ouvert a d'abord été réalisée grâce à
la méthode des masses et piliers avant de se poursuivre via la tranchée
réalisée. On estime la quantité de stériles extraite à 50 millions m³. Ces derniers furent stockés dans les vallées
environnantes, ce qui modifia à tout jamais le paysage de la région.
En
1860, l'entreprise entame la construction d'un centre de concassage à
Achada do Gamo. Cette unité était desservie en amont grâce à un
embranchement ferroviaire situé sur la rive gauche de Ribeira de São
Domingos. Après le concassage, le minerai était chargé via une autre
voie ferrée à destination d'un dépôt ou d'un complexe métallurgique
situé à proximité et construit la même année, toujours à Achada do Gamo. Le
traitement réservé au minerai était alors principalement le grillage en
four, ce qui laisse échapper le soufre contenu dans la pyrite dans
l'atmosphère sous forme oxydée, ce qui cause deux problèmes majeurs :
-
le soufre est irrémédiablement perdu alors qu'il pourrait avoir
une valeur marchande dans la production de matériaux comme l'acide
sulfurique, - le soufre expulsé dans la nature détruit la quasi-totalité des écosystèmes touchés par les fumées issues de la torréfaction.
Le
creusement à ciel ouvert atteint finalement les 120 mètres de
profondeur, ce qui constitue la profondeur maximale possible à cet
endroit. L'exploitation souterraine débuta donc à cette époque via deux
descenderies utilisées pour la descente du matériel, du personnel et
pour l'évacuation du minerai ainsi que par un puits d'exhaure vertical
de 150 mètres de profondeur, nommé puits Malacate, dont l'eau acheminée
vers un réservoir était redirigée vers les installations d'Achada de
Gamo. La construction de ces installations augmenta considérablement la
production et contribua à faire de São Domingos la mine la plus
importante de la ceinture de pyrite ibérique. L'exploitation conduit en
outre à la naissance du village de São Domingos, où vivaient les
ouvriers et leurs familles. À son apogée, la localité comptait près de
3.000 ouvriers pour 8.700 habitants dont 200 anglais. Malgré une
production de plus de 1.000 tonnes par jour, le déclin de la mine se
fit sentir dès le début du 20ème siècle en raison de la difficulté et
des coûts liés à l'accès aux veines. À cette époque, la pollution
inquiétait déjà les autorités ainsi que les ostréiculteurs du Guadiana
qui craignaient que leurs huîtres soient contaminées par des sels de
cuivre provenant de l'eau minière qui était directement rejetée dans la
rivière. Les analyses réalisées dans l'eau à cet endroit démontrent en
effet un taux élevé d'arsenic, de cadmium, de cuivre, de fer, de plomb
et de nickel, ce qui conduit l'entreprise à investir dans du nouveau
matériel de filtration.
Malgré les efforts consentis, la
situation financière de la société met la mine en grande difficulté et
sa fermeture est finalement programmée pour 1966. Les mineurs furent
progressivement transférés dans les autres exploitations du bassin
ainsi que dans la nouvelle mine de sel de Campina de Cima, situé dans
l'Algarve. Après plus d'un siècle d'exploitation et près de 25 millions
de tonnes de cuivre et de pyrites sulfureuses, la mine est
définitivement abandonnée à la date prévue. L'absence d'une stratégie
visant à réduire les effets économiques liés à la fermeture de la mine
combinée au vandalisme et à l'abandon de l'équipement favorisa un fort
déclin de la population, passant de près de 9.000 à moins de 600
habitants en quelques années. En 2001 fut créée l'Empresa de
Desenvolvimento Mineiro, une entreprise publique qui avait pour principal
objectif la récupération environnementale des zones touchées par
l'exploitation de São Domingos où elle réalisa de nombreux travaux de
protection dont le désensablage du Guadiana où
l'envasement s'était accentué depuis l'arrêt des travaux, réduisant
considérablement sa navigabilité. En 2013, la mine fut classée
"Complexe d'Intérêt Public" par Ordonnance, ce qui protège dorénavant
les nombreux vestiges qui parsèment la zone. Un itinéraire de visite a
depuis été créé entre le village de São Domingos et la municipalité de
Mértola en passant par le chevalement du puits Malacate ainsi que par
les vestiges des unités situées à Achada do Gamo, une randonnée
exceptionnelle et hors du temps constellée de paysages grandioses et
qui, malgré sa pollution évidente, constitue l'un des sites industriels
les plus exceptionnels de la région de l'Alentejo.
Reportage sur la mine
de São Domingos, l'exploitation portugaise la plus orientale de la
ceinture de pyrite ibérique.
Copyright (c) / Photos by Nicolas
Elias, Xavier Fer & Laura Dambremont