Au
19ème siècle, la Sarre est en plein développement industriel. À cette
époque, de nombreuses petites structures métallurgiques sont créées
mais c'est l'annexion d'une partie riche en fer de la Lorraine par
l'Empire allemand, en 1871, qui sonna le point de départ de l'essor
sidérurgique de la région. Profitant de cette aubaine, l'ingénieur
Julius Buch décide de fonder en 1873 une petite forge ainsi qu'un
laminoir à proximité de la ville de Völklingen. Cependant, le prix
exorbitant de la fonte entraîne la fermeture de la structure moins de
six ans après sa création. Les installations sont ensuite rachetées aux
enchères par les frères Hardy avant de tomber entre les mains de Carl
Röchling qui fonde, en 1881, la Röchling‘sche Eisen- und
Stahlwerke GmbH.
Voulant assurer son apport en minerais, ce dernier fait également
l'acquisition d'une concession minière à Algrange avant de lancer la
construction de son premier haut-fourneau, en 1883. Moins de dix ans
plus tard, la société est devenue le plus grand fabricant de poutres
métalliques du pays. Cinq hauts fourneaux sont construits durant les
années suivantes et en 1911, un système de convoyeur aérien est mis en
service pour alimenter ceux-ci en minerais via un système de bennes
suspendues.
À l'aube de la première guerre mondiale, l'usine, devenue l'une des
plus importantes d'Europe, est composée comme ceci :
- 6 hauts fourneaux,
- 1 aciérie à procédé Thomas,
- 1 unité de cokefaction,
- 6 soufflantes,
- 1 hall de stockage.
En
1918, un château d'eau en béton est construit sur le site. Ce dernier
est aujourd'hui considéré comme la première construction en béton armé
du continent.
Après la première guerre mondiale, le traité de
Versailles accorde à la Société des Nations la gestion du territoire du
bassin de la Sarre dont les usines sidérurgiques et les mines de
charbon seront désormais mises à profit pour rembourser les dommages de
guerres français. C'est durant cette période que l'usine va se
spécialiser dans la technique du frittage, un procédé de fabrication de
pièces consistant à chauffer une poudre sans la mener jusqu’à la
fusion. Sous l'effet de la chaleur, les grains se soudent entre eux, ce
qui forme la cohésion de la pièce. En l'espace de quelques années,
l'usine de frittage de Völklingen deviendra l'une des installations les
plus performante d'Europe et permettra le recyclage efficace des
déchets et des poussières résultant de la fusion. En 1935, malgré la
crainte grandissante du Reich, un vaste référendum permet à la Sarre de
revenir sous le contrôle de l'Allemagne. Le déclenchement de la seconde
guerre mondiale permet à Völklinger Hütte de tourner à plein régime et
ainsi d'enrôler plus de 12.000 prisonniers de guerre provenant
principalement de Russie, de Pologne ainsi que de Yougoslavie. Après le
conflit, la Sarre revient à nouveau à la France, situation qui perdura
jusqu'au 1er janvier 1957, lors de l'annexion du land par la République
fédérale d'Allemagne. Après être revenue entre les mains de la famille
Röchling, Völklinger Hütte est modernisée mais la crise mondiale de
l'acier affecte durement le bassin de la Sarre. Les Röchling décident
alors de s'allier à la concurrence et fusionnent en 1971 avec
l'entreprise sarro-luxembourgeoise United Hüttenwerke
Burbach-Eich-Dudelange pour devenir la Stahlwerke Röchling-Burbach
GmbH.
Au début des années 80, l'intégration au groupe de Neunkirchener
Eisenwerks donne naissance à l'Arbed
Saarstahl GmbH.
Cependant, ces différentes fusions ne permettent pas aux différentes
sociétés de remonter la pente et en 1986, le site sidérurgique de
Völklingen s'arrête définitivement. À la suite de cette fermeture, une
association est créée dans le but de sauvegarder l'usine et, en 1994,
l'ensemble industriel est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, ce
qui fait de lui le premier monument industriel à figurer sur cette
liste. L'immense complexe est aujourd'hui le point de départ de la
route européenne du patrimoine industriel et constitue un ensemble
muséal incontournable pour les amateurs d'industrie lourde.