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Au milieu du 19ème siècle, bien que le bassin de la Ruhr soit déjà fortement industrialisé, sa partie méridionale reste plutôt pauvre. Cependant, la découverte dans cette région d'un gisement de minerai de fer par Friedrich Hellmich permet en quelques années d'établir une petite fonderie à Hattingen. Dirigée par le comte Henrich von Stolberg-Wernigerode, déjà propriétaire des aciéries d'Ilsenburg, l'usine sidérurgique de Hattingen prend rapidement de l'importance grâce notamment à l'engagement d'ouvriers spécialisés venant du Harz ainsi qu'à l'importation de minerais de haute qualité provenant également de cette région. Après la construction du premier haut fourneau, la fonderie de Hattingen prend pour nom Henrichshütte en hommage à son premier propriétaire, décédé en 1854. En 1857, cette dernière fut vendue à la Berliner Discontogesellschaft, une banque berlinoise qui décide d'investir massivement dans l'industrialisation de l'usine et, en quelques années, de nouvelles structures voient le jour à Hattingen :

- quatre Hauts fourneaux,
- une cokerie,
- une fonderie,
- un laminoir,
- une aciérie à procédé Bessemer,
- plusieurs ateliers.

Une fois les travaux terminés, Henrichshütte fut absorbée par la Dortmunder Union für Bergbau, Eisen- und Stahlindustrie. Hélas, la crise qui éclate en 1873 cause de gros changements structurels qui mèneront au démontage de l'aciérie qui sera reconstruite à Dortmund. Après une phase de stagnation, Henrichshütte fut reprise par la Lokomotiv- und Maschinenfabrik Henschel & Sohn, une usine d'assemblage de locomotives et de machines à vapeur. Les dimensions et l'équipement de l'usine permettent à la nouvelle société de se moderniser et d'élargir la gamme de ses produits. Outre le secteur ferroviaire, l'usine se spécialise également dans la fabrication de pièces moulées à destination du transport fluvial comme les ancres ou les hélices. Lors de la première guerre mondiale, la production de l'usine se tourne intégralement vers l'armement comme les obus ou les canons. La paix revenue, le besoin incessant de matériel ferroviaire permet à Henrichshütte de garder la tête hors de l'eau. Le développement exponentiel de l'industrie charbonnière dans l'entre-deux-guerres permet à l'usine de se moderniser une nouvelle fois mais au milieu des années vingt, l'inflation entraîne un arrêt temporaire de la fonderie. Devenue économiquement non viable, cette dernière sera revendue à la Vereinigten Stahlwerke qui l'intégrera à la Ruhrstahl AG, une superstructure industrielle composée comme ceci :

- Henrichshütte,
- Rheinisch-Westfälische Stahl- und Walzwerke AG,
- Annener Gußstahlwerk Aktiengesellschaft,
- Gussstahl-Werk Witten,
- Vereinigte Press- u. Hammerwerke Dahlhausen-Bielefeld AG.

Dans le cadre de la politique économique nationale-socialiste, le nombre d'ouvrier à Hattingen augmente régulièrement au cours des années trente. À la fin de la décennie, l'usine se spécialise à nouveau dans l'armement et plus spécifiquement dans la production de plaques de blindage à destination des chars de la Wehrmacht. En août 1940, les premiers prisonniers de guerre arrivent à la fonderie. Composée principalement de français, de belges, de russes et de néerlandais, cette masse de travailleurs fut hébergée dans quatorze camps dont la supervision fut directement confiée à une branche de la Gestapo. Le travail acharné et les conditions d'hygiène épouvantables causèrent officiellement la mort de 36 personnes mais le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé. Lors de la prise de Hattingen par les alliés, le 16 avril 1945, un tiers des installations avaient été détruites. Après plusieurs menaces de démantèlement, l'usine renaît de ses cendres et la Ruhrstahl AG installe son siège social à Hattingen. La reconstruction du pays permet à la société de se développer à nouveau et de se maintenir économiquement au sein des autres structures sidérurgiques du bassin. En 1957, la Ruhrstahl AG devient la Rheinische Stahlwerke AG (Rheinstahl), une nouvelle société qui entame dès l'année suivante une transition vers une nouvelle forme de sidérurgie. C'est ainsi que vient au monde la méthode "Ruhrstahl-Heraeus", un procédé de métallurgie secondaire dans lequel le métal liquide, notamment l'acier, est soumis à un traitement sous vide de dégazage ou de décarburation. La rationalisation et la réorganisation du travail permet en 1967 la création d'une fonderie à coulée continue qui sera suivie par la mise en service d'une aciérie électrique. La société est cependant en grande difficulté et le 21 février 1973, August Thyssen-Hütte AG annonce le rachat de la majorité des actions de la Rheinische Stahlwerke AG. Au cours de l'année 1976, le nom "Rheinstahl" est abandonné et l'ensemble du groupe est réuni sous un nouveau logo composé de l'arc Rheinstahl et du lettrage Thyssen. C'est la même année que la production d'acier en Allemagne atteint son apogée avec près de 53 millions de tonnes. L'effondrement de la sidérurgie débute quelques années plus tard et c'est en 1983 que les premières divisions de Hattingen ferment leurs portes. En décembre 1987, Thyssen annonce la fermeture des hauts fourneaux ainsi que du laminoir à tôles fortes de 4,2 m, de l'aciérie électrique et de l'usine de coulée continue. 3.000 ouvriers furent licenciés mais, après plusieurs mouvements de contestation ponctués par une immense chaîne humaine de près de 30.000 personnes autour de l'usine ainsi que par une importante grève de la faim des ouvrières, l'aciérie et la forge furent rachetées en 1988 par la Vereinigte Schmiedewerke GmbH qui ne permit qu'un bref répit aux installations dont la dernière partie ferma ses portes en 2004. Après la démolition d'une partie de l'usine, Henrichshütte est devenu l'un des huit musées liés à la Westfälisches Landesmuseum für Industriekultur. Un site incontournable.

LWL Industrial Museum Henrichshütte
Werksstraße, 31-33
45527 Hattingen
https://henrichshuette-hattingen.lwl.org/de/

      Visite du site d'Henrichshütte qui est devenu un superbe musée de l'industrie.

Copyright (c) / Photos by Nicolas Elias, Xavier Fer & Laura Dambremont