La
présence de sel dans la vallée du Neckar est attestée depuis
l'antiquité. Ce serait d'ailleurs la présence des sources et marais
salins de la région qui auraient conduit à la sédentarisation des
hommes dans la région. Les premières traces d'exploitation industrielle
de ce sel remontent quant à elles à une période comprise entre 1756 et
1764, lors de la construction de plusieurs fours à ébullition répartis
entre Offenau, Bad Wimpfen et Mosbach. La saumure est alors extraite en
surface mais, en 1816, plusieurs sondages furent effectués dans la
région par Bergrat Bilfinger, un prospecteur d'Heilbronn. Ceux-ci
s'avèrent fructueux et en l'espace de quelques années, plusieurs poches
de saumure sont découvertes entre 134 et 150 mètres de profondeur.
Cette découverte entraîna la construction de nouvelles salines et, en
février 1821, le directeur de la saline de Bad Dürkheim, Georg
Christian Heinrich Rosentritt, réalise une demande pour sonder le sol
du district de Rappenau, alors vierge de toute exploitation. Après son
approbation, en novembre de la même année, une poche de saumure fut
découverte à 191 mètres de profondeur et c'est en 1823 que la saline
entra officiellement en production après avoir reçu le nom de
Ludwigssaline
en hommage au Grand Duc Ludwig I. von Baden, Général
d'infanterie et chef du 4e régiment d'infanterie de Prusse Orientale.
En
1826, un investissement d'un million de florins permit de réaliser
trois autres forages, la saumure étant pompée grâce à une machine à
vapeur à basse pression puis dirigée dans l'un des trois bâtiments à
ébullition. Dans le but d'injecter de l'eau douce dans la chambre
saline, une station de pompage de 25 mètres de haut y fut construite
mais l'apport en eau étant jugé insuffisant, de l'eau douce
supplémentaire fut amenée sur place depuis le lac du château de
Rappenau grâce à des véhicules tirés par des chevaux.
En 1826,
alors qu'une vingtaine de nouveaux bâtiment viennent d'être construits,
dont des chaudières ainsi que des entrepôts et des bâtiments
administratifs, la saline atteint une production annuelle de 120.000
quintaux de sel. En 1828, un cartel regroupant les salines de la région
est créé. Celui-ci a pour but de conter la concurrence des sels venant
d'autres régions d'Allemagne, la Werra étant, par exemple, en pleine
expansion.
Ce Cartel, nommé "Neckarsalinenverein"
était composé comme
tel :
- Ludwigsaline
(Bad
Rappenau),
- Clemenshall
(Offenau),
- Ludwigshall
(Bad
Wimpfen),
- Friedrichshall
(Jagstfeld).
Pour
contrer le prix des salines de Lorraine, ce cartel devint international
quelques années plus tard. À partir de 1830, le fonctionnement de la
machine à vapeur souffre d'un manque de rentabilité. Elle fut arrêtée
deux ans plus tard, les pompes étant dorénavant actionnées à la main
grâce à deux équipes de 40 personnes travaillant en deux pauses de
douze heures. En 1850, il fut envisagé d'ouvrir une mine de sel à Bad
Rappenau mais le projet fut vite abandonné. D'autres forages furent
néanmoins nécessaires au bon fonctionnement de la saline qui vit son
exportation facilitée par la connexion au réseau ferroviaire en 1868.
L'exonération de l'impôt sur le commerce et la modernisation des fours
à ébullition permirent à la production de monter à 300.000 quintaux par
an dès 1872. La saline fut encore agrandie dans les années suivantes
mais la mise en concurrence avec la mine d'Heilbronn, ouverte en 1885,
ralentit ce processus.
À la fin du 19ème siècle, l'électricité
fait son apparition. L'accès à cette ressource entraîna un
agrandissement des installations ainsi que la construction d'une
installations de baignade. En 1905, une tour de forage mobile fut
construite. Posée sur rail, cette installation révolutionnaire pouvait
coulisser d'un trou de forage à un autre grâce à des chevaux. La
première guerre mondiale entraîne un cruel manque d'ouvriers qualifiés
s'accompagnant d'une sévère baise de production, le quota
d'avant-guerre ne se restabilisant qu'en 1928 grâce à la fusion avec
les salines de Dürrheim et la création de la Vereinigte Badische
Staatssalinen Dürrheim und Rappenau AG.
À cette époque, la saline de Bad Rappenau est considérée comme
l'installation la plus moderne d'Europe et, outre sa fonction
industrielle, celle-ci devint dans les années 1930 une station thermale
reconnue. Bad Rappenau échappe en grande partie aux destructions
causées durant le second conflit mondiale mais sa production tomba à
moins de 10.000 tonnes de sel par an et ce, malgré le fonçage de cinq
nouveaux puits. À partir de 1944, une cinquantaine de prisonniers de
guerre venant du camp de concentration de Neckarelz furent enrôlés dans
la saline qui fonctionna jusqu'à l'approche du front dans la région, en
mars 1945.
Après la reprise des opérations en septembre de
l'année suivante, seule une petite quantité de sel a pu être extraite
en raison d'un manque criant de charbon. Néanmoins, la situation
revient à la normale dès 1947. Dans les années 1950, un bassin
d'évaporation solaire voit le jour. Celui-ci produit trois tonnes de
sel quotidiennement mais cette partie ferma dans les années soixante
avant d'être démontée et revendue au Maroc. En 1965, les salines de
Dürrheim, Bad Rappenau, Friedrichshall et Rottweil fusionnèrent avec la
la mine de sel de Kochendorf pour former la Südwestdeutsche Salz AG. La
fusion en 1971 avec la mine d'Heilbronn modifia le nom de la société
qui devint dès lors la Südwestdeutsche
Salzwerke AG.
Devant des mines comme Heilbronn et Kochendorf, les petites salines de
la région fermèrent les une après les autres. Bad Rappenau fonctionna
malgré tout jusqu'au 28 février 1973, date de l'arrêt définitif de
l'exploitation.
La démolition des installations débuta en 1974,
les bâtiments administratifs et résidentiels restants étant ajoutés à
la station thermale. En 1986, la ville fut autorisée a extraire à
nouveau la saumure en profondeur dans le but de promouvoir le spa en
pleine croissance. Deux puits de forage ont été préservés dans ce but
mais un troisième est en attente de fonçage depuis 2008.